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Municipales 2014.

Chronique d'une "branlée" annoncée.

pause-fiscale

Avec l'aimable autorisation de l'auteur

S'il est une grande tradition, sous la Vème République, c'est celle de voir le résultat d'une élection présidentielle contredit par les élections locales qui lui succèdent. A croire que l'électorat, pris retrospectivement d'un brusque accès de lucidité ou de vertige devant son audace, tente de corriger le tir en exerçant une forme de "délai de rétractation" politique...

Si cette démarche est tout à fait habituelle, il est évident, sans même avoir besoin de noircir le tableau, qu'elle va se trouver bigrement amplifiée à l'occasion des échéances électorales à venir et que l'électorat, surtout populaire, va s'en donner à cœur joie. Si le Peuple pardonne tout sauf les incohérences, reconnaissons qu'il a du grain à moudre et que les motifs de mécontentements et, bien plus grave, de déceptions sont nombreux et flagrants.

Après avoir, pendant cinq ans, radoté d'un Sarkozy-Président-des-Riches, puis être élu en laissant entendre être celui des "pauvres" pour, dans les courts mois qui suivent, priver les travailleurs, à l'évidence membres du CAC 40, d'une défiscalisation des heures Sup' fort utile mais qui avait, reconnaissons-le, l'inconvénient idéologique de vider de leur substance les fameuses "35 heures", puis rendre "imposables" donc, aussitôt, soumis à des prélèvements dont ils étaient auparavant exonérés, un petit million de membres des couches les plus populaires donc probablement électeurs de gauche, va coûter extraordinairement cher au pouvoir en place.

Renseignements Généraux ?... Sondages ?... Simple bon sens ?... Allez savoir, mais c'est à ce point prévisible que le Parti Socialiste, prouvant en cette occasion qu'il est infiniment plus prévoyant quand il s'agit de gérer son propre budget que celui de la France, est d'ores et déjà en train de se programmer 15 petits millions d'euros d'économies d'ici à 2017 car, ainsi que l'anticipe l'un de ses responsables, "si on prend une raclée aux élections municipales, cantonales et régionales, la perte sèche risque d'être énorme".

En effet, une partie substantielle de son financement annuel provient des cotisations des élus socialistes qui reversent 10% de leur rémunération au parti, il est donc facile de comprendre qu'en cas de défaite aux élections locales, c'est évidemment moins d'élus et, par voie de conséquence, moins de cotisations qui viendront remplir les caisses...

Le Marié était trop beau.

En janvier 2009, à l'occasion des manifestations contre un plan de relance que les syndicats jugent insuffisants, un certain François Hollande, celui d'aujourd'hui mais qui n'était encore que le premier secrétaire du Parti Socialiste, mettait en garde la direction de celui-ci contre "...les risques d'une dérive inconsidérée des déficits publics [liés aux propositions de la CGT, ndr], la tentation de soutenir toutes les revendications et, partant, de renouer avec les vieilles habitudes, à commencer par celles du grand écart entre le discours d'opposition et la pratique du pouvoir..."

Force est de constater, aujourd'hui, ce qu'il est advenu d'une telle mise en garde et d'une telle sagesse... Mais, que voulez-vous, que ne ferait-on pas pour être élu et si, pour accéder au trône de France, "Paris valait bien une messe" pour un protestant, quelles promesses ne prononcerait pas un candidat à la magistrature suprême, même socialiste ?

Et tout, absolument tout et à tous, Français ou non, en situation régulière ou pas, a été promis et ce qui, par mégarde, paraissait avoir été oublié devait être considéré comme sous-entendu. Une forme d'auberge Espagnole où l'électeur allait trouver ce à quoi même le candidat et, forcément futur Élu, n'avait pas pensé ! Ne laissons pas de côté une autre facette de la campagne, celle d'assurer, en cas de victoire, être en tous points l'inverse de Sarkozy. Par certains côtés, je reconnais que j'aurais volontiers pardonné à François Hollande de ne pas respecter, au pied de la lettre, ce dernier engagement !

La Guerre des Trois n'aura pas lieu.

Il ne s'agit pas, en l'occurrence, d'une faute d'orthographe concernant le titre de la célèbre pièce de Giraudoux, mais de celle opposant nos trois grands partis traditionnels, d'autant que de nombreux indices laisse supposer qu'en plus, un quatrième puisse faire une entrée en fanfare, celui du "vote Communautaire".

"Socialiste ? Oui...
Investi ? Oui...
Mais ne le répétez pas !"
L'UMP s'est discréditée à travers des primaires affligeantes et, malgré des réconciliations de façade, une lutte au sommet qui perdure et n'abuse personne tandis que le PS, de son côté, a, pour le moins, trompé un électorat qui y a cru sincèrement. Le retour de boomerang va être dramatique au point, d'ailleurs, qu'il se murmure qu'un certain nombre de candidats sembleraient gênés aux entournures de monter au front électoral en portant une telle étiquette.

Dans ce vide sidéral, le Front National, tout en se gardant bien d'apporter de véritables propositions contre le chômage, les impôts, la crise du logement ou, encore, la crise de l’Europe se contente de compter les points, d'être le miroir aux alouettes de tous les mécontentements et de profiter des gesticulations inutiles d'une Droite asexuée et d'une Gauche à laquelle "La Créature", la sienne, va finir par échapper.

Le Front National.

Nous sommes en 1971 et, dans le but de présenter des candidats aux élections législatives de 1973, le groupuscule d'extrême droite "Ordre nouveau" se cherche un leader plus "présentable" que ses quelques dizaines d'adhérents, crânes rasés et têtes brûlées, qu'il est plus sage de laisser en arrière-plan et dans l'ombre. Parmi les contacts noués ... un certain Jean-Marie Le Pen ... quasi oublié mais qui eu son heure de gloire au temps de l'Algérie Française. En dépit de la défiance des durs du Parti à son égard, il est finalement décidé, les 10 et 11 juin 1972, de fonder ce qui devient le "Front National" et de lui en confier la direction, ce qui est d'autant plus facile qu'il est le seul candidat retenu.

Le 28 juin 1973, à la suite d'une bagarre mémorable avec des militants Trotskystes, "Ordre nouveau", qui continuait d'exister au sein même du Front National est dissous sur ordre de Raymond Marcellin. Deux mois plus tard, en août, c'est la scission définitive avec la création du "Parti des Forces Nouvelles" entraînant avec lui la quasi totalité des cadres et les deux tiers des militants... Notre bon Jean Marie se retrouve donc seul à la tête d'une coquille, presque vide certes, mais qu'il peut maintenant diriger à sa guise et sans entrave.

Une liberté d'action qui ne va pas, pour autant, lui apporter son lot de lendemains qui chantent. Les législatives de 1973 sont un échec cuisant avec seulement 104 candidats sur les 400 promis et 1,3% des voix. En 1974, se présenter comme "Candidat de Salut public" ne lui vaut d'en recueillir que 0,7%. Sept ans plus tard, en 1981, il n'obtiendra même pas les 500 signatures lui permettant de se présenter à la présidentielle et, aux législatives suivantes, son score ne sera que de 0,2% des suffrages...

Mais, brutalement, la Grâce semble toucher un Parti qui, jusque là, végétait en ajoutant les échecs aux défaites. Aux municipales de 1983, il obtient 11,3% des voix dans le XXème arrondissement de Paris et, à Dreux, Jean-Pierre Stirbois obtient, lui, 16,7%... L'année suivante, neuf candidats FN et Jean Marie, lui-même, accèdent au Parlement de Strasbourg, portés par les 10,4% obtenus aux élections européennes. Consécration suprême, l'instauration de la proportionnelle, en 1986, ouvre les portes de l'Assemblée au Front National et, depuis, sa progression et son enracinement font de lui l'arbitre du jeu électoral.

Il ne fait aucun doute, avec une telle progression, qu'il y a "un avant" et "un après"... mais avant et après "quoi" ?

Une dépêche, une simple petite dépêche adressée par Mitterrand tant à Jean-Marie Le Pen qu'à l'AFP, le 22 juin 1982, et dont la teneur est la suivante : "Il est regrettable que le congrès d'un parti [le FN, ndr] soit ignoré par la Radio-Télévision. Elle ne saurait méconnaître l'obligation de pluralisme qui lui incombe... L'incident que vous signalez ne devrait donc plus se reproduire. Mais d'ores et déjà, je demande à Monsieur le Ministre de la Communication d'appeler l'attention des responsables des sociétés de Radio-Télévision sur le manquement dont vous m'avez saisi".

Frankenstein

La promotion médiatique du Front National vient d'être prise en charge par le Président lui-même et tout ce qui va en découler pourrait donner l'envie de reconnaître, là, sur cette photo, le Docteur Mitterrandenstein, assisté de son fidèle assistant, Aïgor le Pen, surpris en train de tenter et de réussir la célèbre expérience qui va donner vie à ... "La Créature".

Une Créature politique créé, effectivement, de toutes pièces par François Mitterrand et Jean-Marie Le Pen, lorsqu'il reçut celui-ci à l’Élysée, le 29 mai 1982, et se concrétisant par un "gagnant-gagnant" pervers qui stérilise et pourrit le débat et la vie politique française depuis 31 ans !

Une Créature dont le rôle de "Croquemitaine" apporte à Mitterrand le moyen qu'il cherchait de diviser durablement une droite qui, de partielle en partielle, redresse la tête et ce, de plus, à un moment où il est conscient que la politique de rigueur qu'il s'apprête à appliquer [en 1983, ndr] va lui faire perdre des voix à gauche et, à Le Pen, le retour sur le devant de la scène dont il rêve.

Une Créature que Mitterrand, feignant d'y apporter remède, en l'espèce un "SOS Racisme" qui ne représente que la seconde mâchoire du piège tendu à la droite, va user jusqu'à la corde, d'élection en élection, à l'aide d'une dialectique "victimisation-culpabilisation", "légitimisation-diabolisation" et "droit-de-vote-des-immigrés" laissant une droite groggy, incapable de choisir entre perdre les élections ou perdre son âme.

Une Créature qui a su, sans cesse, rester en déça du seuil de dissolution mais, gaillardement, bien au-delà de celui de la "fréquentabilité" grâce, parfois, à quelques fines plaisanteries qui ont fait les beaux jours des médias sans oublier, en tête de cortège, un Mitterrand s'élevant contre l'ignominie de Carpentras dont elle n'était, pourtant, pas responsable mais qui, par avance, interdisait à la droite classique d'oser soulever la moindre petite question au sujet de cette "bête immonde" de crainte de passer pour complice.

"Ces événements, qui sont historiquement parfaitement exacts, finiraient par donner raison à Marine Le Pen. Le Front National ne serait pas un Parti d'extrême droite, mais un enfant adultérin du Parti Socialiste."

Une Créature qui a fini par prendre une telle importance, à l'exemple de ce qui vient de se produire à Brignoles, qu'elle ne sera même plus en situation de simple et réducteur arbitre des élections à venir mais bien placée pour rafler la mise dans de nombreuses municipalités, d'autant que l'électorat, estimant qu'il ne s'agit que d'élections "locales", risque fort de se défouler. Une situation dans laquelle tant la droite, par manque de courage, que la gauche, qui a tout fait pour cela, ont une lourde responsabilité.

Certes, tant que le Front National se contentait de grignoter les voix de la droite, ce n'était pas grave, plutôt amusant pour certains et, après tout, c'était son rôle mais, depuis peu, la Créature semble avoir échappé à tout contrôle et "rouler pour elle". Peut-être suis-je d'un naturel optimiste, mais, après avoir joué à l'apprenti sorcier, je fais totalement confiance au Parti Socialiste pour déterminer la stratégie qui lui évitera de perdre trop d'électeurs.

Il reste encore cinq mois et demi avant les élections municipales et, si le glissement FN se confirme, c'est avec un certain cynisme que je me délecte, par avance, de voir nos leaders manger leur chapeau, et, de peur de perdre leurs sièges, tenir des promesses qui pourraient, presque, en arriver à faire passer notre Marine pour un peu ... "rose".

Une surenchère droitière étonnante, d'autant que...

Le vote communautaire.

2014 grande mosquee

Si on se réfère aux données de l'IFOP, 86% des Français de confession musulmane auraient voté pour François Hollande, au second tour de l'élection présidentielle de 2012.

Or, après avoir participé à faire la différence et contribué à la victoire de l'actuel Président, la mise en place d'une "charte de la laïcité" semble être ressentie, par bon nombre d'entre eux, comme une manifestation d'hostilité à leur égard tout autant qu'à celui de leur religion.

Il n'y a donc aucune raison, ni démocratique, ni Constitutionnelle, pour ne pas voir se constituer, dans certaines municipalités, les premières listes "communautaires", donc ouvertement religieuses, à seule fin de pouvoir enfin peser sur des décisions locales concernant la vie quotidienne à l'image des menus de cantines scolaires, de la mixité des lieux de sport, du nombre de salles de prières, des tenues vestimentaires etc..

Ce court extrait du programme des conférences organisées à la grande mosquée de Mantes-la-Jolie semble prouver qu'entre le rôle d'acteurs et celui de simples spectateurs passifs, le choix n'est pas encore déterminé et que toutes les options restent ouvertes. Inutile de dire que de telles listes ne pouvant, bien sûr, se déclarer la veille du scrutin et par surprise, le Front National y trouverait de quoi continuer à gagner des électeurs et deviendrait, à coup sûr, le premier Parti de France...

Face au Front National, je me demande s'il n'est pas temps, pour tous les candidats et de tous les autres bords, de se souvenir de ce vieil adage que m'a semblé tenté d'appliquer François Fillon ... "j'étreins mon ennemi, oui, mais c'est pour mieux l'étouffer".

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