Lundi, Décembre 30, 2024
   
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L'identité nationale.

" ... En conservant leurs anciens droits, ces peuples vivent en repos, parce qu'ils voient que leurs nouveaux maîtres ne changent rien aux coutumes établies. C'est ce qui se voit aujourd'hui en France, à l'égard de la Bourgogne, de la Bretagne, de la Gascogne et de la Normandie, qui sont depuis si longtemps sous la domination de la Monarchie : car quoique ces provinces diffèrent un peu, par le langage, des autres du Royaume, néanmoins, leurs coutumes étant à peu près semblables, les peuples se souffrent aisément les uns les autres..."

" ... Mais si l'on conquiert des pays différents de langage, de coutumes et de gouvernement, c'est là qu'on rencontre de grandes difficultés, et qu'on a grand besoin de bonheur et d'adresse pour les conserver."
Définir une "Identité Nationale", encore qu'il aurait été mieux de débattre sur les moyens d'assurer notre "Cohésion Nationale", impose, en tout premier lieu, d'établir ce dont il est réellement question afin de pouvoir cerner ce qui pourrait constituer notre "Identité" et, par conséquent, dans quel creuset commun minimal devraient, par une démarche volontaire et délibérée, se fondre  des ... étrangers : ressemblance physique, langue, culture, valeurs, religion, le tout à la fois ou la simple possession d'une carte d'identité.

En tous cas, ce qui est certain, c'est que ça faire couler de l'encre et occuper tant l'opinion que les médias au moment où les Français ont, tout de même, bien d'autres soucis quotidiens.

Oublions, tout de suite, le critère ridicule de la ressemblance physique, même si certains en ont rêvé à diverses époques, par contre, partager une même langue semble être le plus petit commun dénominateur d'une nation, ne serait-ce que pour pouvoir se comprendre. En ce qui nous concerne, la Constitution stipule qu'il s'agit du Français, dont acte, mais apparaît alors le statut des langues régionales. A quel niveau placer le curseur pour conserver une mémoire et des racines populaires tout en évitant qu'elles n'induisent une "identité régionale" plus forte que "nationale", ou alors, à l'image de nos amis Corses, Pantruchisons les emplois et imposons l'usage de l'Argot à Paris !


N'aurait-il pas mieux valu parler de cohésion Nationale, de l'effet de cultiver, ou non, un droit à la différence, au lieu de lancer le débat dans une direction qui va lui faire rater sa cible ?

Quant à nos us, coutumes, accents, valeurs, voire pratiques religieuses, force est de reconnaître qu'il existe quelques différences, ou nuances, entre le nord, le sud, l'est et l'ouest de notre belle France, sans qu'aucune de celle-ci ne soit, aujourd'hui, assez exacerbée pour constituer un motif d'affrontements, mais au contraire, serait l'un des constituants d'un cocktail qui a fini par être harmonieux et équilibré. Considérons donc cette France dans ce qu'elle propose, avec ses qualités et ses défauts, comme un restaurant grand ouvert à tous, un restaurant dont le buffet s'avère largement suffisant pour se constituer le repas idéal, un restaurant auquel chacun peut contribuer en apportant sa pierre et, donc, de nouveaux plats, épices et saveurs, mais, en retour, dans lequel il ne serait pas admis d'en priver les autres d'un seul, pas plus que d'y "apporter son manger" pour se singulariser et rester dans son coin. Ceci pour éviter d'avoir à ranimer le débat sémantique entre "ostensible" et "ostentatoire". Ces modestes contingences autorisant, bien évidemment, d'éventuels insatisfaits à choisir tout autre établissement mieux à même de les recevoir.

Par ailleurs, distribuer gratuitement les Cartes  Nationales d'identité, ainsi que cela s'est déjà produit, constitue une malhonnêteté intellectuelle à plus d'un titre. En tout premier lieu, et pour de simples raisons conjoncturelles, il est difficile de ne pas y discerner, en filigrane, autre chose qu'une opération quelque peu électoraliste. D'autre part, il est cruel de laisser croire que la simple possession de ce papier officiel suffirait à rendre son titulaire Français parmi les Français et, par eux, "reconnu pour tel" prouvant que, dans ce domaine en tous cas, possession ne vaut pas titre. Enfin, existe-t-il meilleur moyen de discréditer ce que l'on donne que de le faire sans discernement, contrepartie ni notion de "mérite".

L'intégration et les moyens d'y parvenir, la place de la religion et de sa pratique strictement "privée", la quête impérative d'une même langue, les attitudes orthodoxes ou intégristes, les causes et risques du "communautarisme" et la notion d'un serment civique furent infiniment mieux traitées par un de mes lointains ancêtres que je ne saurai le faire. "Non-Français" du seul fait d'être Juif, il savait de quoi il parlait et l'extrait de cette lettre célèbre reste d'une brûlante actualité et prouve que, si le Talmud fut soluble dans la République, peut-être était-ce aussi le prix à payer pour être ... Français. Puisse cet exemple inspirer d'autres religions.


LETTRE de M. BERR-ISAAC-BERR,
A ses frères, en 1791, à l'occasion du droit de
Citoyen actif accordé aux Juifs.



Messieurs et chers frères,

Nous voilà donc, grâce à l'Etre Suprême et à la souveraineté de la nation, non seulement des hommes, des citoyens, mais encore des français ! Il a choisi la généreuse nation française, pour nous réintégrer dans nos droits, et opérer notre régénération.

Quelle gloire pour cette nation, d'avoir, en si peu de temps, fait tant d'heureux ! Et certes, si tous les Français le deviennent par l'addition de droit et de liberté qu'ils viennent de conquérir, combien n'avons nous pas particulièrement gagné, et combien ne devons-nous pas être reconnaissants de cet heureux changement de notre sort ! De vils esclaves, de simples serfs, enfin d'une espèce d'hommes tolérés et soufferts dans cet Empire, soumis à des taxes énormes et arbitraires, nous devenons tout à-coup enfants de la patrie, pour en partager les charges et les droits communs.

Il faut donc, mes chers frères, être frappés de cette vérité, que tout le temps que nous ne changerons pas nos mœurs, nos habitudes, enfin notre éducation, éducation totale, nous ne devons pas espérer d'obtenir l'estime de nos concitoyens pour occuper aucune des places où nous pouvons signaler le patriotisme qui couve depuis si longtemps dans nos cœurs. A Dieu ne plaise que j'entende vous parler de la profession de notre religion, ou de l'exercice de notre culte ; je me garderai bien de vous proposer d'y toucher. Ceux d'entre nous qui, pour des avantages quelconques qu'ils croiraient entrevoir dans la nouvelle constitution, se permettraient de changer les dogmes de leur religion, seraient à mes yeux des monstres.

Mais je ne saurais assez vous répéter, combien il est indispensable de quitter cet esprit de corps ou de communauté, pour toutes les parties civiles et politiques, non inhérentes à nos lois spirituelles : là nous ne devons absolument être que des individus, des français, occupés d'un vrai patriotisme, et du bien général de la nation : savoir sacrifier sa vie et sa fortune pour la défense de la patrie, se rendre utile à ses concitoyens, mériter leur estime et leur amitié, travailler de concert avec eux à la tranquillité publique, qui fait celle de chaque particulier, tel doit être le principal but de nos occupations journalières ; et comme nous ne sommes pas encore en état de remplir ces nobles fonctions, il faut s'occuper à en acquérir les moyens, et principalement fixer notre attention sur nos enfants, pour leur procurer toutes les facultés nécessaires.

Acquittons-nous en ce moment de ce dont nous sommes susceptibles ; prêtons le serment civique d'être fidèles à la nation, à la loi et au roi. Ce serment n'est que l'expression des sentiments que nous avons toujours professés. Nous n'avons jamais été accusés d'avoir enfreint les lois, ou d'avoir été rebelles même à celles qui nous entraînaient ; nous avons su toujours respecter ceux même qui nous maltraitaient, et leur obéir : à plus forte raison donc, nous resterons fidèles à une loi qui nous rend tous nos droits, et qui nous assimile à tous les français y avec l'entière liberté de la profession et de l'exercice de notre religion. Ce serment, dis-je, qui ne doit être de notre part que la renonciation aux prétendus privilèges et exemptions dont nous jouissions, ne peut, sous aucun point de vue, répugner à nos frères les plus orthodoxes et les plus scrupuleux : nos privilèges et exemptions ne pouvaient supporter cette qualification, qu'eu égard à notre esclavage. Nous avions le privilège de former un corps de communauté particulière : c'était d'un côté, l'exclusion de toutes les autres corporations ; de l'autre, d'être particulièrement imposés, et taxés arbitrairement à des sommes bien au-delà de nos moyens et facultés. Un membre de cette communauté était-il accusé d'un délit quelconque, c'était la communauté tout entière qui en supportait les reproches et l'humiliation ; nous jouissions d'exemption de milices, de corvées ; c'est qu'on nous en trouvait indignes ; et pour couvrir l'injustice de pareils procédés, on nous en exemptait, à charge cependant de payer en argent, le triple des valeurs, etc. Il est bien aisé, sans doute, de renoncer à de pareils privilèges.

Au moyen de la prestation du serment civique, qui sera regardée comme une renonciation à tous privilèges et exemptions précédemment introduits en notre faveur, nous jouirons du droit et de la qualité de citoyens actifs, en réunissant toutefois les autres conditions requises. Vous voyez donc, mes chers frères, qu'il n'y a pas l'ombre de difficulté ou de scrupule à prêter le serment, au moyen duquel nous serons constitutionnellement reconnus Juifs français. Ce serment prêté, cherchons à remplir les devoirs dont nous sommes susceptibles, mais évitons de jouir des droits ; ne heurtons point l'opinion de quelques-uns de nos concitoyens, qui, endurcis encore par d'anciens préjugés, ne sauront pas se convaincre de la vérité que les Juifs sont des hommes. Qu'il nous suffise, quant à présent, d'avoir acquis le droit inappréciable d'assister à toutes les assemblées des citoyens français, et ne nous y trouvons que lorsque nous serons en état d'y apporter des lumières suffisantes pour y être utiles, que lorsque nous saurons discuter et défendre les intérêts de la patrie ; enfin, que lorsque nos plus implacables ennemis seront convaincus, et revenus de leurs erreurs grossières sur notre compte.

Il me semble que s'il nous était possible de faire enseigner à nos enfants la Bible sainte, par une traduction française, au lieu qu'ils l'apprennent par une traduction allemande ; mais que cette traduction fût aussi fidèle que celle de l'immortel Mendelshon, il en résulterait un grand et inappréciable avantage, ils n'auraient que deux langues à apprendre à la fois, tandis qu'ils sont obligés d'en apprendre trois, l'hébreu, l'allemand et le français. Aussi cette dernière, qui devrait être leur langage naturel, puisqu'ils sont élevés avec et parmi des français, a toujours été celle qu'ils ont su le moins, et qu'ils n'ont souvent pas su du tout. Ce n'est que lorsque la grande nécessité les a forcés de parler et de se faire entendre de leurs voisins, qu'ils ont commencé à balbutier quelques mots ; d'où est encore provenu que ceux même d'entre nous qui ont su apprécier assez tôt l'utilité de cette langue, et ont acquis la faculté de la parler, ont cependant conservé un accent allemand ou étranger.

Je ne doute nullement que nos enfants ne fassent des progrès rapides dans l'une et l'autre des langues qu'ils apprendront ; ils seront tout à la fois, la base de notre religion, et celle de la constitution française ; et après avoir parcouru différentes classes, ils en sortiront pénétrés de la sainteté de notre religion, dont ils auront appris les dogmes par les vrais principes, et pourront être tout à la fois, bons Juifs et bons citoyens Français ;

Il y a plus, mes chers frères ; dès que nous aurons rempli notre devoir envers nos enfants, et dès qu'ils seront bien initiés dans l'esprit et les principes de notre religion, nous pourrons, en toute sûreté, profiter des ressources qui nous sont offertes par nos généreux concitoyens, en faisant participer nos enfants aux bienfaits des écoles publiques et nationales : on ne les contrariera sûrement plus sur leurs opinions religieuses ; et dès qu'ils seront libres de ce côté, ils ne manqueront pas de se faire aimer de leurs camarades, en partageant avec eux, et l'émulation, et le désir de mériter les suffrages de leurs supérieurs.

Au moyen de cette union, dans les écoles, nos enfants, ainsi que ceux de nos concitoyens, remarqueront, dès leur tendre jeunesse, que l'opinion ni la différence de religion n'empêchent point l'amour fraternel ; et que chacun devant naturellement embrasser et suivre la religion de ses pères, ils peuvent, en remplissant les devoirs religieux, remplir également ceux du citoyen : plus d'éloignement alors, plus de haine et d'antipathie entre les uns et les autres ; à mesure qu'ils croîtront en âge, les liaisons d'amitié et de fraternité se consolideront pour toutes les parties sociales et politiques non contraires aux dogmes de leur religion. Ils sauront que, rentrant chez leurs parents, les uns iront à l'église, les autres dans les temples ou dans les synagogues, pour adorer, sous différentes formes, et différents dogmes, le vrai Dieu, seul créateur de l'univers.

Nous paierons à l'avenir l'impôt national par égale portion et mesure avec tous les contribuables de la France : nous ne paierons, pour ainsi dire, que ce que nous aurons consenti librement par la voie de nos représentants, qui sont également ceux de tous les Français.


J'ai l'honneur d'être bien fraternellement,
Messieurs et très chers frères,
Votre très humble et très obéissant serviteur,
BERR-ISAAC-BERR.

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