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14 juillet : la prise de la Bastille.

"C’est une révolte ?" demande Louis XVI, le matin du 15 juillet, en apprenant la prise de la Bastille.

"Non sire, ce n’est pas une révolte... c’est une révolution." lui répond le duc de La Rochefoucauld.


Si l'on pose comme paramètres que nous étions en juillet, qu'il faisait, ce jour là, particulièrement chaud et que les seules boissons, à l'époque, était l'eau et, surtout, le vin, beaucoup d'actions populaires, surtout héroïques, deviennent plus claires. Il se pourrait même que notre exception culturelle, dont une des facettes consiste à réécrire l'histoire, naisse avec cet événement, plus proche d'un monôme d'étudiants avinés que d'une action délibérée pour passer de l'ombre à la lumière. Jusqu'à ce jour, les rois successifs écrivaient l'Histoire, la leur, puis ce fut au tour du peuple de le faire, mais il manquait encore un peu d'expérience.

Le 12 juillet, Louis XVI vient de renvoyer Necker, son contrôleur général des finances, qui n'a rien fait d'autre que de creuser les déficits. Camille Desmoulins, au lieu de s'en réjouir et sans doute en pleine crise de paranoïa, harangue la foule dans les jardins du Palais-Royal : "Citoyens ! Il n'y a pas un moment à perdre. J'arrive de Versailles, Necker est renvoyé. Ce renvoi sonne le tocsin d'une Saint-Barthélémy des patriotes. Ce soir tous les bataillons suisses et allemands sortiront du Champ de Mars pour nous égorger. Il ne nous reste qu'une ressource, c'est de courir aux armes !"

Au matin du 14 juillet, ce message passe d'autant plus facilement que les Parisiens sont particulièrement remontés et qu'ils y voient l'occasion, justifiée, de se procurer des armes. La foule va donc aller se servir en pillant l'arsenal de l'Hôtel des Invalides mais, sans munition ni poudre, même 30.000 fusils et une vingtaine de canons et mortiers ne sont pas d'une grande utilité.

C'est alors que la rumeur se répand que la poudre serait entreposée à la Bastille. Qu'à cela ne tienne, il ne reste plus qu'à la prendre, cette fichue Bastille !

Et, elle va l'être, mais la motivation première et la suite des événements s'avèrent fort éloignées de ce que "l'imagerie d'Épinal" nous inculque :
  • pas une seul instant, il ne s'est agit de libérer les prisonniers qui croupissaient dans ses cachots infâmes, mais uniquement de se procurer des munitions et ce fut fait mais, paradoxalement, au cris de "Vive la liberté, Vive le roi"...
  • bien qu'imprenable, cette forteresse a été prise chaque fois qu'elle a été attaquée et ce fut le cas une fois de plus. La résistance fut complètement nulle, le combat ne fut pas sérieux et il n'effraya même pas les nombreux badauds qui étaient accourus pour jouir du spectacle.
  • Les clés, symboles de la prison Royale, furent portés triomphalement dans tout Paris mais en oubliant, dans l'allégresse générale, de s'en servir pour ouvrir les cellules. Quand, enfin, on en vint à penser au sort des prisonniers, il ne restait plus d'autre solution que celle de défoncer les portes.
  • cela faisait belle lurette que la prison n'était plus ce cul de basse-fosse dans lequel s'entassaient les victimes de la tyrannie, de la lettre de cachet et de l'arbitraire. Il ne s'y trouvait que sept prisonniers qui avaient toutes les raisons d'être là : quatre faussaires, un pervers sexuel placé là par sa famille et deux fous authentiques qui finiront à l'asile de Charenton.
  • au cours des quinze années précédentes, si 279 personnes furent embastillées, 38 ont bénéficié d'une ordonnance de non-lieu. Les victimes d'une erreur judiciaire étaient largement indemnisées. A sa libération, Voltaire se vit proposer une rente de 1200 livres, rente qu'il ne refusa pas. Il est bon de noter que la République Française n'est pas aussi généreuse aujourd'hui allant, parfois, jusqu'à ne ne même pas savoir présenter d'excuses à certaines de ses victimes !
  • loin de conserver cette sinistre bâtisse dans le seul but d'opprimer les parisiens, la monarchie avait non seulement décidé de sa démolition, car elle devenait trop coûteuse à entretenir, mais les plans d'aménagement de la place qui devait lui succéder étaient déjà établis.
  • les célèbres Sans-culottes n'étaient, en aucun cas, l'émanation du peuple français, des pauvres, des exploités et des masses laborieuses, mais au contraire des petits bourgeois de Paris, des commerçants et des artisans qui vivaient très mal le laxisme économique et social de Louis XVI.
  • La première réaction des libérateurs fut de se ruer dans les caves, de tout saccager et de tout piller au point, dans l'excitation, de se tirer les uns sur les autres ce qui eut pour effet de constituer la grande majorité de la centaine de morts dénombrés au terme de cette journée, certains autres étant plus simplement tombés dans les fossés, du haut du donjon...
  • la réaction du peuple fut d'une clémence et d'une mansuétude exemplaires. De Launey fut lynché par la foule, puis décapité au canif par un cuisinier qui espérait être récompensé d'une médaille pour cet acte de bravoure et Saint-Just, lui, se lança dans une envolée aussi lyrique que pacifique : "Je ne sache pas qu'on ait jamais vu porter la tête, fut-ce des plus odieux personnages, au bout des lances, boire leur sang, leur arracher le coeur, le manger... Je l'ai vu dans Paris ; j'ai entendu les cris de joie du peuple effréné qui jouait avec des lambeaux de chair en criant : Vive la liberté ! Vive le roi !"

A cette "Prise de la Bastille" ne manquait finalement que Léon Zitrone, Guy Lux et une demi-douzaine de vachettes dans les fossés pour être digne d'un épisode d'Intervilles.

La revisitation et la symbolisation, à la mesure d'une représentation de l'Opéra de Pékin pendant la révolution Culturelle, en offrant au peuple ce qu'il avait, tout à la fois, envie d'entendre et ce qu'il était bon qu'il garde en mémoire, ont permis de transformer bien des années plus tard, ce joyeux cafouillage en Jour de Fête Nationale.

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